International

Femmes, numérique et sciences

Le 07/10/2023

Agir pour plus de femmes dans le numérique et les technologies : pourquoi et comment ?

Ce sujet est sur la table depuis de longues années et force est de constater que les avancées sont difficiles, notamment en France, malgré les initiatives, les fondations, les associations qui s’engagent pour faire bouger les lignes et gagner cet enjeu.

 « Ça fait plus de dix ans que les femmes ont un pied dans la porte, on va bien finir par y entrer ! », espère Céline Barbe, 42 ans, assistante maternelle reconvertie dans le code informatique en 2021, dans un article du Monde. 

Les chiffres sont toujours aussi alarmants.
Les femmes sont encore absentes des filières scientifiques. La bascule aurait déjà lieu au CP d’après cette publication « Filles et garçons, sur le chemin de l'égalité », 2023, DEPP, la réforme du Bac ne faisant qu’aggraver la situation.

En France, les femmes ne représentent que 17 % des diplômés du numérique exerçant dans le secteur, selon l’enquête Gender Scan du cabinet Global Contact, publiée en février 2022, ce taux est similaire à celui du secteur de la police ou des chauffeurs routiers. 
Dans les startups, ce n’est vraiment pas mieux malgré des dispositifs mis en place. Seulement 10 % des start-up européennes créées en 2022 comptent des équipes fondatrices exclusivement féminines. (Etude du collectif Sista et du BCG), et 12 % ont été fondées par des équipes mixtes dans les cinq pays étudiés. (Allemagne, Espagne, France, Royaume-Uni et Suède, NDLR).

Sur les levées de fonds des entreprises innovantes, on retrouve le même déséquilibre. Selon les pays, les start-ups fondées par des hommes captent entre 77 % et 91 % du total des fonds collectés. Seulement 1 % à 5 % des financements en levées de fonds sont alloués aux équipes composées uniquement de femmes.
Les raisons en sont multiples, comme, par exemple, la persistance des stéréotypes, la culture, les appétences, …

Pourquoi faut-il que cela change ?

Pour tenter d’y répondre, j’aimerais revenir sur une étude controversée de 2018.
Les psychologues Gijsbert Stoet, de l'université de Leeds Beckett, et David Geary, de l'université du Missouri affirment : « plus il y a d’égalité entre les hommes et les femmes, moins les femmes sont retrouvées dans les STIM (la science, la technologie, l'ingénierie et les mathématiques) »

Ce point de vue pourrait paraître paradoxal, mais pour l’étayer les chiffres sont là (sources Instat et Unesco).
Les femmes dans les emplois en technologies de l'information représentent :

  • 46,3% en Inde, 
  • 43% en Albanie 
  • 55,6% en Tunisie
  • 41,3% au Maroc
  • 48,9% en Algérie 

Dans cette étude, les deux psychologues ont travaillé sur une base de données de 472 242 adolescents en sciences, en mathématiques.

1er constat : les femmes sont aptes voire plus aptes ! 

Dans deux pays sur trois, les filles obtiennent des résultats similaires ou supérieurs à ceux des garçons en sciences, et dans presque tous les pays, les filles ont une meilleure réussite dans les études STIM que dans toutes celles de toutes  matières confondues.

2eme constat :

La présence des femmes dans la tech n’a rien à voir avec le niveau d’émancipation des femmes dans le pays, c’est même plutôt l’inverse !

Emancipation des femmes vs idees recues

L’autrice Vera Nicolski va encore plus loin dans son livre" Féminicène" en reprenant les résultats de cette étude à la fin de son livre.
Les femmes occidentales, émancipées, se dirigent plus naturellement dans leur majorité vers des études et des métiers plus littéraires, sociétaux.

A tort, elles pensent leur émancipation acquise.

Comme le démontre l’étude de 2018 et d’autres études, en Algérie, en Turquie, aux Émirats Arabes Unis, par exemple, les femmes se dirigent vers ces métiers plus majoritairement.
La raison ? Selon Vera Nicolski, elles savent qu’en investissant la technologie, en se rendant indispensables scientifiquement elles gagneront en ascension sociale et en émancipation.
L’autrice oppose ainsi un féminisme des doléances à la recherche d’un idéal de justice à un féminisme du « faire » qui valorise les compétences et les réalisations des femmes.
Face aux changements climatiques et énergétiques, elles jugent bien plus nécessaire le féminisme d’action aujourd’hui.

Extrait de FÉMINICÈNE

‘En matière d'études, la technique est, en effet, comme dans les armées, le « grand égalisateur ». On le sait depuis Bourdieu : la culture littéraire est fortement tributaire du capital culturel, la familiarité avec les références légitimes étant avant tout assurée par la transmission familiale, source d'inégalités flagrantes entre les enfants des classes cultivées et ceux des classes populaires. Les sciences et les techniques offrent bien plus de possibilités d'ascension sociale. Si on ne peut éliminer les inégalités de naissance, c'est dans ces domaines que les filles de condition modeste ont la meilleure chance de s'élever.
C'est à elles aussi que les féministes doivent dire : faites des sciences, de l'ingénierie, de la construction, de la recherche. Faites. Vous êtes le pont vers l'égalité de demain.’

En ce qui me concerne, je suis plus partisante d’associer tous les féminismes constructifs afin de mettre nos efforts en commun.

Nous avons besoin de tous et toutes afin d’ inverser ces courbes pour vivre les transformations sociétales puissantes le mieux possible.
Cet argument fondamental renforce mes intuitions et mes engagements pour plus de femmes dans la Tech.
C’est une condition de maintien de l’émancipation des femmes, ces 50% de l’humanité !

En réponses au "Pourquoi ?", on peut donc affirmer que les femmes dites «émancipées » ne doivent pas considérer comme acquise cette émancipation et doivent au contraire rechercher à investir des secteurs techniques et innovants en ouvrant la porte à de véritables égalités de performances. 

Comment ?

Le pourquoi de l’utilité d’un changement de cap étant posé, passons au  comment.
Forte de mes 15 ans d’expériences, je vous propose  une synthèse  non exhaustive en 3 grands axes de réflexion et de travail :

  1. Eduquer et communiquer pour élargir le champ des possibles pour tous. Il est essentiel de travailler nos schémas de représentations, par exemple, prévoir une communication ciblée avec des nouveaux rôles modèles auprès des parents, des professeurs et des élèves sur l’accessibilité de ces métiers aux jeunes filles, ainsi qu’aux femmes, de tous âges, en reconversion professionnelle
  2. Accompagner et financer des formations pour des parcours professionnels féminins dans les STIM ainsi que des projets entrepreneuriaux féminins dans l’innovation
  3. Repenser nos modèles et organisations. Par exemple, sensibiliser sur l’articulation des temps de vie et le partage des tâches domestiques, axe central pour lever les freins à l’émancipation féminine.

Nous devons nous donner les moyens financiers et humains pour casser les codes et faire une belle place aux femmes dans l’innovation et les nouvelles technologies pour le bien de tous !

De nombreuses associations et collectifs interviennent sur ce sujet. 
En voici quelques-uns :